La secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées salue la réactivité et l’engagement des professionnels du secteur médico-social pendant la crise sanitaire du Covid-19. Elle entend, une fois celle-ci passée, s’appuyer sur cette expérience pour offrir de meilleurs services aux personnes. Sans, dans l’immédiat, pouvoir en donner les détails ou préciser les modalités du déconfinement des personnes fragiles.

Actualités sociales hebdomadaires : Il reste a priori au moins un mois de confinement, voire davantage pour certaines personnes fragiles. Quelles sont vos priorités pour « tenir » dans cette dernière ligne droite ?

Sophie Cluzel : D’abord, nous devons offrir des solutions de répit pour les familles qui accueillent leur proche à domicile. Nous prévoyons que le nombre de demandes de relayage [l’arrivée d’un nouvel aidant à domicile, NDLR] et de répit [en internat, par périodes de 7 ou 14 jours, NDLR] vont augmenter. Ensuite, nous devons faire en sorte de maintenir le lien entre les personnes en établissement et leurs proches, parce que tous, familles, personnes et professionnels commencent à trouver le temps long. Certains troubles s’aggravent. Et s’il faut garantir la protection sanitaire des personnes, il faut aussi maintenir le lien social avec les familles. Sinon, la détresse psychologique s’avérera importante. Enfin, l’accès aux soins doit redevenir une priorité absolue. Nous venons de permettre la téléconsultation pour les ergothérapeutes, les psychomotriciens et, auparavant, pour les orthophonistes. Il faut absolument éviter les pertes d’acquis. Nous travaillons aussi avec l’ordre des kinésithérapeutes, pour voir ce qu’il sera possible de faire. Dès maintenant, les kinés libéraux peuvent avoir accès aux protections en pharmacie.

En matière d’accès aux soins rendus nécessaires par une contamination au Covid-19, vous avez annoncé avec Olivier Véran des mesures particulières, comme la possible présence d’aidants en cas d’hospitalisation. En revanche, d’aucuns observent que l’on ignore le nombre de morts dans les établissements médico-sociaux. Que répondez-vous ?

Les chiffres des décès sont remontés sur la plateforme prévue à cet effet, au même titre que ceux des résidents en Ehpad. Sans doute manque-t-il encore les chiffres de quelques territoires. Mais pour l’heure, nous en comptabilisons 305. Nous allons continuer à affiner le chiffre. La grande stabilité des personnels dans ces établissements a contribué à limiter la gravité de ce bilan.

Cette crise sanitaire a souvent demandé aux professionnels du secteur médico-social de faire preuve d’inventivité… Avez-vous été surprise de leur réactivité ?

La coopération sur les territoires entre les professionnels des différents services et établissements a été frappante. Tous ont appris à mieux se connaître. Et plusieurs professionnels ont dit aussi avoir appris à davantage encore travailler l’accompagnement avec les parents, en tant qu’experts de leurs enfants. Ils se sont montrés très réactifs dans la transformation imposée par la crise de leurs actes professionnels. Ils ont su faire preuve de polyvalence et adopter un regard différent. Ils ont mis en place un accompagnement des personnes de grande qualité, parfois dans des situations très compliquées, en cas de difficultés de compréhension par exemple. Je note au passage que cette crise a permis de promouvoir l’interprétariat en langue des signes française ou le français facile à lire et à comprendre [FALC, NDLR]. Ces professionnels se sont aussi montrés très engagés. Lorsque nous avons fermé les externats, par exemple, la quasi-totalité a mis en place d’autres modes d’accompagnement auprès des familles.

Mais lorsque les familles sont absentes, lorsque les enfants handicapés sont protégés, les choses semblent malgré tout encore très complexes… Que pensez-vous faire ?

C’est effectivement un sujet à propos duquel il reste à faire, l’une des urgences de ce mois. Même si dans nombre de territoires, la coopération entre les services de la protection de l’enfance et les établissements médico-sociaux est déjà une réalité. Certains enfants ont pu être accueillis dans les internats. Et les familles accueillantes sont accompagnées.

Pour répondre à l’injonction du président de la République, vous commencez à plancher sur les modalités du déconfinement. Qu’en connaissez-vous pour l’heure ?

Nous travaillons avec les associations, nous devons balayer tous les détails. Le Président de la République nous a fixé un calendrier, nous sommes à la tâche. On ne devra assigner personne à résidence en raison de son handicap. Il faudra éviter toute discrimination, tout en garantissant la sécurité sanitaire. Et il faudra veiller aussi à la continuité des services à domicile, ce qui soulagera les aidants. Nous ne devons pas revenir en arrière : l’idée de la société inclusive consiste à dire que c’est à la société de s’adapter aux personnes handicapées, citoyens et sujets de droit, et non l’inverse. La question est toujours, dans cette crise, de trouver le meilleure équilibre bénéfice/risque. Ce n’est pas simple. Les décisions ne sont pas encore prises.

Quels enseignements tirez-vous de cette crise ?

Elle a mis au jour nos fragilités mais aussi nos forces Elle a montré que certaines personnes handicapées et certains aidants étaient très isolés mais elle a aussi révélé la capacité des acteurs du médico-social, à se réinventer, à mieux travailler ensemble. Les Maisons départementales des personnes handicapées ont montré qu’elles pouvaient assouplir leurs méthodes de travail. Il nous faudra capitaliser sur cette simplification, que nous avions déjà lancée, et la prorogation des droits que nous avons accordée peut nous réinterroger sur l’accélération de l’octroi de droits à vie. Enfin, nous avons vu qu’il était possible de faire confiance à la personne pour l’évaluation de ses besoins et de s’appuyer sur les aidants. Il ne faudra pas perdre la souplesse et l’agilité qu’on a vu partout se manifester.

Cette crise sanitaire va-t-elle accélérer le projet de loi attendu et toujours repoussé sur l’autonomie et la dépendance ?

Nous sommes concentrés pour le moment sur la lutte contre le virus et sur la stratégie de déconfinement. Nous aurons ensuite à trouver les moyens de capitaliser sur ce que cette période difficile nous a enseigné. Il nous faudra collaborer avec les associations pour élaborer la meilleure réponse possible aux besoins. Nous devons travailler sur de meilleurs services. Il faut nous servir des solutions que l’on a su trouver en urgence.

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